Réforme de l’orthographe

Fév 25, 2022

MISSIONS-CADRES donne la parole à Florence Augustine, correctrice transcriptrice audio en portage salarial sur la réforme de l’orthographe et ses conséquences dans les autres pays francophones.

Introduction

Dans ce second article consacré aux conséquences de la réforme de l’orthographe, Florence Augustine, correctrice et transcriptrice audio en portage salarial [lien les avantages du portage] chez MISSIONS-CADRES, présente les usages retenus dans les autres pays francophones. Elle questionne également la cohérence de cette réforme et le système de l’apprentissage du français actuel.

Cette réforme est-elle uniquement valable en France ? Quid des autres pays francophones ?

En Belgique, en Suisse, des circulaires cautionnent l’usage des rectifications orthographiques dans l’enseignement.

En Belgique :

Cette réforme n’a pas non plus été appliquée jusqu’à présent. « Il y a bien eu une circulaire romande diffusée en 1996 pour signaler cette nouvelle orthographe mais, dans les faits, la majorité des enseignants n’ont rien changé à la pratique », explique Gregory Durand, président de la Société pédagogique vaudoise (SPV) [ spv-vd.ch]

En Suisse :

En revanche, les rectifications ne sont pas tombées dans l’oubli : en 1996, la Délégation à la langue française (DLF) directement reliée à l’instance politique de la CDIP SR + TI (Conférence intercantonale des chefs de Départements de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin) a rédigé une brochure comportant les rectifications qui a été distribuée aux enseignant(e)s concerné(e)s. Dans le préambule de cette brochure, on met en évidence que « l’Académie française a approuvé ces propositions » et qu’elles « seront définitivement entérinées quand l’usage les aura assimilées ». Dix ans plus tard, il s’est agi de voir si les rectifications sont passées ou non dans l’usage.


Le 21 janvier 2005, le « groupe orthographe », émanant de la DLF a mené une enquête en adressant un questionnaire aux enseignant(e)s des écoles primaires et secondaires de Suisse Romande ainsi qu’aux enseignant(e)s de français langue étrangère (FLE) de Suisse alémanique.
Des réponses ont été reçues, pour l’essentiel, du canton de Neuchâtel, émanant surtout du primaire et du secondaire, et quelques-unes provenaient de Suisse alémanique.

En ce qui concerne la Suisse romande : 

Toutes les réponses provenant des cantons qui ont répondu, donc de Fribourg, de Genève, de Neuchâtel, du Valais et du canton de Vaud ont été prises en considération, du primaire jusqu’au lycée. Si l’orthographe du français devrait davantage correspondre à la prononciation, en Suisse alémanique par contre, cet avis est soutenu par une majorité. La même situation se présente quant à la question de savoir si l’orthographe d’une langue devrait être régulièrement adaptée ; une bonne majorité, en Suisse romande, pense que les mots écrits sans circonflexe, par exemple « ile », « flute » gênent les usagers ; une légère minorité est d’avis que modifier l’orthographe signifie porter atteinte à la langue et que les exceptions font le charme de la langue française.

Bien qu’une bonne majorité en Suisse romande craigne que les réformes de l’orthographe heurtent la sensibilité des usagers, en Suisse alémanique la question est probablement moins sensible mais les personnes questionnées sont plus clairement favorables à une simplification de l’orthographe. Aussi bien en Suisse romande qu’en Suisse alémanique on est plutôt d’accord ou tout à fait d’accord sur le fait qu’une réforme de l’orthographe doit être décidée conjointement par tous les pays francophones. Pourtant, on pense que les rectifications doivent être recommandées et ne pas être imposées

La dernière partie du questionnaire

Celle-ci avait pour but de déterminer si les enseignants ont reçu ou non des directives concernant l’enseignement des graphies rectifiées. On relève qu’une grande majorité n’a pas reçu de directives. À la question de savoir si les enseignants appliquent tout ou partie des rectifications orthographiques de 1990 dans leurs polycopiés et lorsqu’ils écrivent au tableau, une majorité a répondu « non ».
Une grande majorité des personnes sondées pense que les réformes de l’orthographe heurtent la sensibilité des usagers, mais un nombre presque aussi grand de questionnés est d’avis que l’orthographe du français doit être simplifiée. Dans cette contradiction se reflète le conflit entre le sentiment et la raison : d’un côté on aimerait écrire comme d’habitude, comme on l’a « toujours » fait, comme on l’a appris avec beaucoup de peine à l’école ; de l’autre côté on est conscient que l’orthographe française est compliquée, pas toujours logique, difficile à apprendre.


Par contre, en Suisse alémanique, une majorité s’exprime en faveur d’une plus grande tolérance envers les fautes d’orthographe. Cette différence d’opinion entre Suisse romande et Suisse alémanique est explicable par la valeur que l’orthographe a pour les uns et les autres : en Suisse romande l’orthographe correcte est considérée comme élément important de l’identité culturelle francophone à laquelle on tient ; en Suisse alémanique, en revanche, l’orthographe française est perçue tout d’abord comme difficile et compliquée et elle est considérée comme un simple moyen de communication avec le monde francophone.

En Belgique

À partir du 16 mars 2009, les quatre plus grands groupes de presse francophone belge (la plus grande partie de la presse de langue française et un peu plus de 90 % de la presse en ligne) mettent à disposition leurs articles dans les deux orthographes sur leur site web.

Au Canada

Le Bureau de la traduction, organisme qui s’occupe des besoins linguistiques du Parlement, des tribunaux, des ministères et des organismes fédéraux, accepte les deux orthographes. Le Conseil supérieur de la langue française recommande depuis 2005 l’enseignement de la nouvelle orthographe dès le primaire.

L’Office québécois de la langue française donne la priorité à la nouvelle orthographe pour toutes ses publications et travaux. Ainsi, les néologismes qu’elle crée ou accepte et les emprunts à des langues étrangères se trouvent sous la forme de l’orthographe rectifiée dans son grand dictionnaire terminologique (GDT).
En 2005, le Bureau de normalisation du Québec (BNQ) est le premier organisme de l’administration publique québécoise et probablement du monde à adopter les rectifications pour tous ses documents.

Le ministère de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MEESR) inclut la nouvelle orthographe dans son programme d’enseignement, l’accepte lors des épreuves uniformes de français et, depuis 2010, aussi pour les examens de fin d’année. Plusieurs universités québécoises l’enseignent, dont l’université du Québec à Montréal ainsi que l’université Laval. De plus, cette dernière l’accepte pour les travaux d’étudiants et les examens de français.

Pour le reste du Canada 

Au printemps 2009, le ministère de l’Éducation de la province de la Saskatchewan a envoyé aux directions d’écoles un communiqué contenant un miniguide des nouvelles règles de l’orthographe et expliquant que la Direction de l’éducation française locale a adopté les rectifications et que celles-ci figureront désormais dans les programmes d’études et les évaluations provinciales. Il confirme que les deux orthographes sont justes et demande de transmettre l’information aux enseignants de français.


Les provinces du Nouveau-Brunswick, de l’Île-du-Prince-Édouard et de la Nouvelle-Écosse, acceptent la nouvelle orthographe lors des examens ministériels. Les écoles de la région de Moncton au Nouveau-Brunswick ont également reçu la liste alphabétique des mots touchés par les rectifications, et le personnel est invité à employer les graphies rectifiées dans les documents administratifs et scolaires. Le ministère de l’Éducation néobrunswickois a demandé à son équipe la création d’un matériel d’autoformation sur les rectifications qui serait en ligne et à destination des enseignants du primaire et du secondaire.


Depuis le 1er avril 2009 

Tous les documents, courriers électroniques et programmes d’études de la Direction de l’éducation française (DEF) du ministère de l’Éducation de la province de l’Alberta sont en nouvelle orthographe. Le site web du ministère l’applique aussi, les enseignants ont été renseignés sur cette décision et ont reçu de la documentation au sujet des rectifications.

Il faut sans doute y voir, dans cet émoi et cette polémique dans les médias et sur les réseaux sociaux un amalgame entre la réforme du collège, les nouveaux programmes, et cette révision de l’orthographe, présentée comme une nouveauté imposée par le gouvernement actuel.

En novembre 2015, le Bulletin officiel sur les nouveaux programmes d’enseignement à l’école l’érige en « référence » pour les manuels scolaires, qui devraient ainsi l’intégrer à la rentrée prochaine.

Les livres d’enseignement sont principalement rédigés avec l’ancienne orthographe (l’orthographe traditionnelle), ce qui est considéré comme un frein à l’enseignement de l’orthographe réformée.

Le secteur de l’édition, dans son ensemble, entend-il jouer le rôle de pionnier de la réforme ?

Les éditeurs entendent-ils jouer le rôle de pionnier en prenant en compte une réforme de l’orthographe de 1990, alors qu’à l’époque elle avait reçu un faible engouement ?

Quid de l’adhésion des enseignants eux-mêmes à cette « réforme » à la rentrée 2016 ?

Quand la ministre actuelle de l’Éducation nationale dit elle-même que les deux orthographes peuvent cohabiter après réforme, on peut légitimement se poser la question en quoi elle est finalement utile.

L’Académie française a accepté la réforme « à l’usage » », sur proposition du gouvernement en 1990. Ce qui signifie qu’on « accepte les modifications orthographiques et qu’on verra à l’usage si elles sont appliquées ».


Faisons un petit aparté historique.

Une nouvelle démarche officielle est entamée en 1989 par le Premier ministre Michel Rocard : il charge le Conseil supérieur de la langue française de rédiger des propositions de réforme concernant les thèmes suivants : le trait d’union ; le pluriel des mots composés ; le circonflexe ; le participe passé des verbes pronominaux ; diverses anomalies. C’est la première fois qu’un ordre de réforme est prononcé par un Premier ministre et que l’organisation des travaux est innovatrice : un Conseil est créé par décret. En même temps sont fondés le Comité consultatif de la langue française et le Commissariat général de la langue française qui travaillent étroitement avec le Conseil.


En mai 1990, le projet est soumis à l’Académie française qui l’approuve à l’unanimité.

C’est donc la première fois qu’une réforme de l’orthographe élaborée à l’extérieur de l’Académie française est acceptée de celle-ci. À l’époque, il semblerait que la simplification et le moins-disant culturel aient présidé à cette refonte de notre langue. « Nénufar » est écrit plus souvent avec « ph » qu’avec un « f », tandis que l’accent circonflexe n’a pas disparu des « i » et « u » dans les noms communs.
Ça fait 26 ans qu’on peut écrire « oignon » sans « i ». Qui le fait ?

Aujourd’hui l’Académie française se désolidarise totalement de la réforme décriée

Devant être appliquée à la prochaine rentrée scolaire, en disant qu’elle n’est pas à l’origine de ces « rectifications » dont le but n’est pas de simplifier la langue, mais bien de corriger des anomalie, il faut se mettre à la place d’un prof. Il va expliquer à un gosse qu’on enlève un chapeau sur le « i » mais le verbe « croître » garde le « î » parce que dans sa conjugaison, on peut le confondre avec « croire ».
Il va falloir expliquer également que le chapeau s’envole du « u » en cas d’ambiguïté entre homophones au masculin singulier, mais pas au féminin singulier ni au pluriel.

Un fruit mûr (masculin singulier) prend toujours un « û » pour le distinguer du mur bâti. Mais nous sommes autorisés à écrire : les mures sont mures, les kiwis sont murs. Il y a bien pourtant un homographe !
Nous sommes autorisés à écrire : Léo est sûr de lui mais Nina n’est pas sure d’elle.

Et s’il fallait revoir l’apprentissage de la langue française plutôt que quelques termes ?

Si certains militent pour un « retour aux fondamentaux », avec plus de dictées et de règles de grammaire à connaître par cœur, un retour à un enseignement plus poussé et plus classique du français comme le collectif Sauver les lettres [www.sauv.net], d’autres, comme André Chervel, auteur de L’orthographe en crise à l’école, appellent de leurs vœux une réforme drastique. D’après lui, si l’on voulait vraiment revenir au niveau des années 1920-1950, il faudrait que les élèves y passent au moins une heure par jour pendant la majeure partie de leur scolarité.

Problème. L’Éducation nationale a réduit de moitié la part du français dans les programmes à l’école primaire ces 30 dernières années, ce qui explique la baisse de niveau chez les salariés quadragénaires.
Au bureau, ces lacunes ne sont pas sans conséquence. Avec les mails, les salariés écrivent beaucoup plus qu’avant et leurs faiblesses sont exposées.

Faut-il en arriver à une simplification à outrance pour que les enseignants réussissent l’enseignement de la lecture, du français ?

Certes, je suis d’accord avec André Chervel sur le fait que la langue française doit continuer d’évoluer et qu’on ne peut pas accepter la fracture orthographique de la société et laisser un nombre croissant de jeunes Français en situation d’infériorité ou d’échec face à l’écriture de la langue nationale. Il faut que tous les jeunes, dans l’avenir, maîtrisent une orthographe, qu’on l’appelle simplifiée ou non. L’orthographe. Point.

Au lieu de s’évertuer à réformer l’orthographe de quelques mots du dictionnaire, ne devrions-nous pas consacrer notre temps, notre énergie, notre argent à la sauvegarde de la langue française, à étudier les possibilités d’autres manières d’apprentissage ? Il serait bien réfléchi de penser à ré(introduire) cette notion de plaisir dans l’apprentissage.

À trop vouloir simplifier l’orthographe de certains termes, notre langue aura-t-elle toujours un sens ? Apprenons aux jeunes générations à mettre en scène les mots, les lettres. Et oui (ré)inculquer ce goût d’apprendre, de comprendre ce que l’on apprend, ce goût de l’effort qui devrait être sensé dans tout apprentissage.

Notre langue française est riche entre autres de toutes ses origines qui l’ont composée. Je ne pense pas qu’il faille simplifier l’orthographe de quelques termes pour faciliter son apprentissage. Certes, le français est complexe, regorge de difficultés à assimiler mais c’est aussi ce qui fait sa richesse.

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